Description
Fallait-il commencer ou terminer la présentation du recueil d’Émilie Notard par cette pensée de François Cheng : « Nous sommes toujours dans le commencement des choses, dans l’instant fragile qui contient la puissance de la vie. Nous sommes toujours au matin du monde » ? C’est cette impression que j’ai ressentie à la première lecture des poèmes : la fraîcheur d’un début, la vigueur d’un premier amour partagé ou non, le désir d’aimer, d’être aimé. Émilie dit l’espérance, l’attente, l’espoir, la patience, l’illusion aussi, l’offrande, l’abandon, la solitude :
[…]
Nymphe
ni plus ni moins
piégée aux nœuds de tes algues
je suis en train de me pendre
à t’attendre
à t’attendre
[…]
On perçoit dans ses poèmes un mouvement vers l’autre, vers la vie, vers l’à venir.
Qui est « l’autre », ce « tu » à qui l’auteure adresse son chant ? Est-il unique ou plusieurs, si on se réfère aux dédicaces ? C’est si peu important au fond. Il est celui qui a phagocyté la pensée, les rêves, les mots d’une toute jeune femme. Il est l’inspirateur, le motif de son écriture. Il est le courant qui l’a entraînée vers l’écriture, vers ce recueil.
Une poésie réparatrice alors ? Sans doute, mais bien davantage. Les mots étaient là, pressants, impérieux : il fallait qu’Émilie Notard écrive ! Il fallait qu’elle libère cette force qui est en elle, cette puissance créatrice qui la possède. Elle dit l’amour, l’appel, la quête, c’est vrai, mais tout cela me semble un prétexte : Émilie est poète, il fallait qu’elle concrétise cette aptitude.
Elle se dévoile et nous livre ses élans dans des rythmes très différents. Ses vers jaillissent avec vigueur. Sa langue est pure et donc belle. Ses poèmes sont tantôt lyriques, tantôt narratifs, puis quasi minimalistes, décharnés :
[…]
un et un
ne font
plus deux
un et un
font d’eux
deux étrangers
[…]
Elle joue avec les mots, Émilie, elle jongle adroitement avec les sonorités. Elle se sert des anaphores, des assonances, des allitérations pour mieux nous imprégner, pour mieux nous surprendre :
[…]
Sont-ce les saveurs sucrées
de mes bâtons d’encens
qui saturent mon espace
[…]
et :
[…]
en frôlements de frissons
en frottements félins
jusqu’au frémissement
[…]
L’auteure écrit avec la même facilité en français, sa langue maternelle, et en allemand, sa langue adoptive. Ainsi, elle compose « Gedicht » qu’elle traduit ensuite en français par « Poaime » et « Allein » traduit par « Seule ».
Des images étonnent, touchent :
Les arbres rêvent
et de leurs songes secoués de sanglots
s’évadent des gouttes d’au-delà
ou :
Au timide matin
j’ai déposé
sur mon bureau
une page de nuages
Tant de citations encore ! Le lecteur découvrira cette parole à la fois spontanée et élaborée. Qu’il n’oublie pas : on ne doit aborder la lecture des poèmes qu’avec les yeux de l’âme…
Agnès Schnell
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